Vœux 2019 : l’année sera-t-elle inclusive pour les médiateurs numériques ?
Deux mille dix-neuf. Internet aura 50 ans et les espoirs – d’aucuns diront les utopies – d’accès universel à l’information, de partage et de démocratisation des savoirs, des apprentissages et des compétences associées renvoient aujourd’hui à des bilans plus mitigés qui pourraient ternir un tant soit peu les festivités.
Corne d'abondance ou vaches maigres ?
Un sentiment de « tout et son contraire », « grandeur et décadence », « miseria e nobiltà »… pourrait bien envahir en 2019 les médiateurs numériques chaque fois que leur apparaîtra une vision des 13 millions de Français qui « n’utilisent pas ou peu internet et se sentent en difficulté avec ses usages » (v. le rapport « Stratégie nationale pour un numérique inclusif » de mai 2018).
Les enthousiastes penseront peut-être à un superbe gâteau dans lequel croquer à pleines dents ? Diront que c’est du pain béni pour les « soldats du feu digital » qu’ils·elles incarnent ? Du grain à moudre pour longtemps ? L’assurance d’une manne salvatrice pour affronter les frimas de l’hiver numérique qui se prolonge de fractures en fractures ? « On ne peut pas laisser autant de nos concitoyens dans l’embarras tout de même ! ». Les forces vives de la nation - dont ils·elles font partie - se mobiliseront forcément… et les voilà qui rechaussent fissa combinaison, bottes, gants, casque et lunettes pour repartir au charbon.
Les esprits plus chagrins verront probablement l’énorme 🍞 sur la planche qui les attend ? La ⛰️ à gravir pour hisser les plus faibles et les plus vulnérables aux tout premiers camps de base (clavier/souris, dossiers/fichiers, e-mails/navigation web) ?
Chacun·e verra midi à son écran et à sa souris, mais en ces temps toujours incertains, entre les optimistes et les inquiets, comment diantre se projeter en 2019 en matière de médiation numérique ? Que faudra-t-il souhaiter aux médiateurs et aux médiatrices numériques de l’Hexagone et des territoires ultramarins pour cette nouvelle année ? Prospérité, stabilité, épanouissement ?
Cultiver l’effet Pygmalion ne mange pas de pain ni ne le retire a priori de la bouche de personne et, selon les études et l’expérience de certains, cela peut même avoir des conséquences heureuses sur le devenir des choses. Bref, penser positif aide, dit-on, à se forger un avenir radieux.
En toute logique, les professionnel·le·s de la médiation numérique devraient se débrouiller et s’en sortir, comme ils·elles l’ont toujours fait. A moins qu’en cette période agitée, ils·elles ne voient jaune ? Car des questions récurrentes se posent sur l’évolution du « secteur »1 et sur sa capacité à créer des emplois.
Tout cela est bien légitime dans un champ professionnel toujours fragile (mais néanmoins indispensable pour garantir de la cohésion sociale) qui subit les aléas des aides publiques et des changements d’orientations des gouvernements qui se succèdent.
Médiation numérique et tiers-lieux : une convergence fortuite ?
Pour le moment, si l’on s’en tient aux signaux envoyés ces derniers mois par ce qu'il est convenu d'appeler les « grands comptes » (publics et privés), la tonalité dominante est plutôt le vert. Elle pourrait être résumée sous la forme d’un tableau mettant en scène deux champs d’activités (médiation numérique et tiers-lieux) qui, d’un certain point de vue, se recoupent. Cela explique peut-être le parallélisme que l’on peut constater2 :
Ce traitement fort ressemblant entre médiation numérique et tiers-lieux interroge. Lequel aurait-il copié ou déteint sur l'autre ? Est-il voulu et programmé en haut lieu ou bien est-ce le fruit de travaux autonomes qui prônent peu ou prou des solutions similaires ? Les personnes les mieux informées qui liront ces lignes pourront peut-être éclairer notre lanterne ? Sur le terrain, les professionnel·le·s connaissent les ponts et les aiguillages qui existent entre les deux et l'hybridation est souvent de mise par le truchement, entre autres, de la médiation.
Certes, dans les trains de mesures annoncées ou déjà effectives, la médiation numérique a une petite longueur d'avance sur la locomotive tiers-lieux, mais le temps fera son œuvre et 2019 nous dira si l'un et l'autre des convois arriveront à l'heure et dans une gare commune.
Un baromètre de la médiation numérique ?
2019 ne fait que commencer et les questions restent ouvertes. Ressembleront-elles à celles des années précédentes ? Quand 2018 s’achève sur une baisse des dons aux associations, l’argent et les préoccupations qui en découlent resteront sans doute dans le haut du tableau. « Les emplois existants seront-ils maintenus ? ». « De nouveaux postes seront-ils créés ? ». « Si oui, seront-ils durables ou à tendance plutôt bullshit taillés spécifiquement pour les slashers ? ». « Comment distinguer, chez les décideurs, les vrais engagements des fausses promesses ? ». « Quels nouveaux partenariats, pour quelles opportunités ? ». « Quelles concurrences pour quelles futures disparitions ? ».
Ou encore : « Quel rôle joueront les nouveaux entrants (GAFAM et autres grands comptes) dans le secteur qui se (re)structure ? ». « Feront-ils vraiment bouger les lignes ? ». « Quelles conséquences sur le métier de médiateur numérique ? ». « Quelles nouvelles compétences à mettre en œuvre pour répondre à quelles demandes ? ».
Entre le noir de la précarité des emplois de l’ESS ou le rose des promesses d’inclusion de nos concitoyens éloignés du numérique, difficile de prendre la température du secteur et de cerner avec précision le moral des troupes pour 2019. Comme il existe chaque année un baromètre du numérique, pourquoi ne pas lancer en 2019 un « Baromètre de la médiation numérique » où les professionnel·le·s feraient remonter interrogations, réflexions, analyses, réussites, doutes, doléances et déceptions ? Cela permettrait probablement de dessiner un paysage qui renverrait une image assez réaliste du secteur. Cela donnerait enfin l’opportunité de co-écrire une histoire dont chaque acteur est le héros et l'héroïne apportant du même une coup une urgente visibilité à la « valeur sociale ajoutée » produite jour après jour.
- Le choix des guillemets relève du fait qu’il est encore impossible de parler de secteur pour la médiation numérique au regard de la définition établie par l’INSEE. La médiation numérique n’est pas présente dans la nomenclature d’activités française (NAF).
- Les mentions « R » suivies d’un chiffre renvoient à des recommandations faites dans les rapports : « Stratégie nationale pour un numérique inclusif » et « Territoires Travail Numérique ».